Meurtre d'Anaïs Guillaume
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Sortcière
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Kassandra88
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Tueur en série : le grêlé. :: AFFAIRES EN COURS :: AFFAIRES RÉSOLUES .... ou presque
affaires TROADEC, DAVAL, Anaïs G, WISSEM, Lucas T., Sophie Narme
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Re: Meurtre d'Anaïs Guillaume
Tristan a écrit:
Grièvement malade, la jeune femme sera un témoin clé du procès, qui doit durer trois semaines. « La découverte du corps d’Anaïs Guillaume change forcément les choses par rapport au premier procès, confie Me Ghislain Fay, qui défendra Philippe Gillet avec son confrère, Hugues Vigier. M. Gillet maintien ne pas avoir tué Anaïs Guillaume et entend s’expliquer. »
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Merci Tristan.
Pauvre petite. Une victime collatérale. J'espère qu'elle ira mieux.
Re: Meurtre d'Anaïs Guillaume
Un agriculteur, deux cadavres, un corbeau : aux assises de la Marne, l’affaire Anaïs Guillaume
Le procès en appel de Philippe Gillet, accusé d’avoir tué sa femme et son amante à quinze mois d’intervalle, s’est ouvert mardi à Reims. L’agriculteur de 48 ans encourt la perpétuité dans ce dossier à rebondissements.
Par Henri Seckel
Céline Gillet est morte écrasée par une vache. C’était le 3 janvier 2012, le jour venait de se lever sur les Ardennes. Elle avait mené le bétail à la salle de traite, la pluie qui s’était engouffrée sous le toit en tôle avait rendu la paille glissante, et la dernière vache du troupeau, soudain prise de panique, avait perdu l’équilibre et fauché dans sa chute l’agricultrice de 34 ans, dont la tête avait heurté une barrière. La femme était restée au sol, l’animal s’était relevé, mais avait glissé de nouveau, tombant cette fois de tout son poids sur la victime.
Voilà ce que Philippe Gillet a raconté lorsque les premiers secours ont débarqué dans sa ferme, posée au bord de la départementale, entre Fromy et Margut (Ardennes). A leur arrivée, l’agriculteur, une figure locale, était dans un tel état d’agitation qu’il avait fallu appeler les gendarmes en renfort pour qu’il cesse de gêner les pompiers dans leurs tentatives de réanimation, finalement vaines. Un peu à l’écart du tumulte, une jeune femme blonde aux joues rouges avait assisté à la scène : Anaïs Guillaume.
Cette apprentie était entrée à la ferme quatre mois plus tôt, en alternance dans le cadre de son bac pro agricole, avec l’idée d’avoir un jour sa propre exploitation. Une idylle s’était tout de suite nouée entre la joviale étudiante de 20 ans et Philippe Gillet, vingt ans de plus et père de deux filles. La relation, d’abord secrète, puis officielle après la mort de Céline Gillet, était tempétueuse, ponctuée de ruptures. Elles ne duraient jamais, mais, au printemps 2013, l’affaire avait semblé se gâter : Anaïs Guillaume était tombée enceinte, avait avorté et s’était entichée d’un autre amant, plus jeune, moins charismatique mais moins colérique.
Le 16 avril 2013, en fin de soirée, Anaïs Guillaume se rend au domicile de Philippe Gillet. On ne l’a jamais revue.
Sacs de chaux
Puisqu’il est le dernier à avoir vu Anaïs Guillaume vivante, Philippe Gillet suscite mécaniquement le soupçon. Sa maison et sa ferme sont perquisitionnées ; ses champs ratissés par des équipes cynophiles, passés au radar géologique, survolés par un hélicoptère à caméra thermique ; on sonde les puits, les bassins de décantation, les silos, la fosse à purin. Rien.
Philippe Gillet ne cesse de nier son implication, au fil d’une enquête laborieuse qui va pourtant la rendre de plus en plus probable. Le soir de la disparition, l’agriculteur dit s’être couché à 1 heure au côté d’Anaïs Guillaume, mais s’être réveillé seul à 4 h 30, sans s’inquiéter : il n’était pas rare qu’elle parte en pleine nuit.
En retraçant l’activité nocturne du numéro de téléphone d’Anaïs Guillaume, les enquêteurs constatent que des SMS ont été échangés autour de 4 h 30 entre Philippe Gillet et la jeune femme, censée avoir quitté les lieux, mais dont la carte SIM a été insérée dans l’ancien portable de Céline Gillet, que l’agriculteur a conservé, et qui se trouve… à la ferme. Pour l’accusation, c’est entendu, « Philippe Gillet a clairement voulu se constituer un alibi » en essayant de « recréer artificiellement une discussion entre lui et Anaïs Guillaume qui n’était vraisemblablement plus en vie ou plus libre de ses mouvements à ce moment-là ».
Et puis il y a cet achat inhabituel pour Philippe Gillet, le 16 avril 2013 au matin, de deux sacs de chaux de 25 kilos, substance corrosive redoutablement efficace pour désinfecter une surface, désherber un sol ou dissoudre un cadavre.
Incohérences
Il y a, encore, ces témoignages de nombreux amis d’Anaïs Guillaume, qui ont vu les hématomes et les rougeurs recouvrir de temps en temps son corps ou son visage. En juin 2012, elle avait porté plainte contre Philippe Gillet, après un énième accès de violence. Plusieurs femmes, souvent jeunes, ayant eu une aventure avec l’agriculteur dressent le portrait d’un homme jaloux, brutalet menaçant, exerçant une certaine emprise, supportant mal l’idée d’être quitté.
Lire notre enquête : Féminicides, mécanique d’un crime annoncé
Une question remonte alors à la surface : Céline Gillet, qui envisageait de demander le divorce, est-elle réellement morte écrasée par une vache ? Le dossier de l’ex-épouse est ressorti des tiroirs en 2017 et réexaminé. Conclusion : la version du décès accidentel avancée cinq ans plus tôt par Philippe Gillet semble hautement improbable. Céline Gillet n’a souffert d’aucune lésion caractéristique d’un écrasement, souligne l’expert médical. Le récit de la chute de la vache est truffé d’incohérences, estime l’expert vétérinaire.
Un premier procès s’ouvre en mars 2019 devant la cour d’assises des Ardennes. Philippe Gillet, crâne rasé, ressemble à Marlon Brando dans Apocalypse Now. Il est jugé pour le meurtre de Céline Gillet et l’assassinat d’Anaïs Guillaume. Au sujet de la première, il réitère le scénario de la vache fatale. « Jusqu’à preuve du contraire, elle est toujours en vie, dit-il froidement au sujet de la seconde, dont on reste sans nouvelles. Elle a dû refaire sa vie, elle rêvait de partir. (…) Elle a peut-être tout quitté pour échapper à une dette de stupéfiants. » Le jury l’acquitte du meurtre de Céline Gillet mais le condamne à vingt-deux ans pour celui – sans préméditation – d’Anaïs Guillaume. Le parquet général, comme l’accusé, font appel.
Lettre anonyme
Le second procès s’est ouvert mardi 6 avril à Reims, devant la cour d’assises de la Marne. Philippe Gillet est toujours jugé pour le meurtre de Céline Gillet et l’assassinat d’Anaïs Guillaume,il encourt toujours la perpétuité, mais, d’un procès à l’autre, l’équation a changé : entre les deux, on a retrouvé le corps d’Anaïs Guillaume.
Le coup de théâtre s’est produit le 28 octobre 2019. Un mois plus tôt, une lettre anonyme, postée de Belgique, arrive chez l’avocat de Philippe Gillet, qui la transmet au procureur des Ardennes. Sept lignes tapées à l’ordinateur : « Les coupables de la disparition d’Anaïs sont toujours en liberté. Anaïs était en vie jusqu’en avril 2016. Elle a été retenue contre sa volonté en Belgique. Avec tout ce qui était dans la gazette, facile de charger le culto [l’agriculteur]. Comme le tas de fumier que les flics ont fouillé en face de sa ferme en 2015 y était toujours, elle a été enterrée avec de la chaux vive en dessous et y est toujours. »
La piste n’est pas explorée tout de suite. La justice, dans ce genre d’enquête, reçoit tant de lettres farfelues… Les jours passent. Victoria Gillet, qui n’a cessé de défendre l’innocence de son père et gère la ferme en son absence, s’impatiente. Le tas de fumier en question se trouve de l’autre côté de la départementale, à cent mètres de la ferme. Alors elle loue une petite pelleteuse et creuse elle-même. Un os apparaît. Les gendarmes rappliquent. Un squelette entier est exhumé. Analyse ADN : il s’agit bien d’Anaïs Guillaume. Le corbeau a dit vrai.
Mais le corbeau a aussi dit faux. A Cergy, dans les laboratoires de l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale, les os ont parlé : le squelette appartenait à une personne de 21 ans, l’âge d’Anaïs Guillaume en avril 2013 – elle ne pouvait donc pas être « en vie jusqu’en avril 2016 », date qui disculpait de faitPhilippe Gillet, incarcéré depuis janvier 2016.
L’avocat de Philippe Gillet clame que la zone du tas de fumier avait déjà été inspectée sans succès en 2015, suggérant que le cadavre a pu y être déposé après coup pour piéger son client. L’accusation rétorque que les fouilles n’avaient pas été complètes à l’époque : vu les conditions météorologiques désastreuses, on s’était contenté de retourner le fumier, sans creuser le sol en dessous.
L’aveu décisif
Le procès en appel aurait dû avoir lieu en avril 2020. Les enquêteurs peuvent remercier le Covid-19, qui a repoussé l’audience d’un an : sans ce délai supplémentaire, auraient-ils eu le temps d’obtenir l’aveu décisif de Victoria Gillet ? C’était en septembre 2020, l’ultime rebondissement de ce dossier : la fille de l’agriculteur confessait avoir écrit et envoyé la lettre anonyme, suivant les instructions de son père.
La rapidité avec laquelle elle était tombée sur la dépouille d’Anaïs Guillaume, malgré les indications succinctes de la lettre, avait éveillé le soupçon. Soupçon confirmé par la découverte, lors d’une nouvelle perquisition à la ferme de Fromy, d’une lettre écrite à la main par Philippe Gillet : un véritable brouillon, remis par ce dernier à sa fille lors d’un parloir, du courrier anonyme qu’elle allait ensuite poster. Confrontée à cet élément accablant, la jeune femme craque.
« J’ai conscience d’avoir été manipulée, dit-elle aux enquêteurs, j’ai peut-être fait un blocage parce que c’est mon père. » Victoria Gillet n’avait pas 18 ans quand elle s’est retrouvée orpheline de sa mère, avec un père en prison, une petite sœur à élever, et une exploitation agricole à faire tourner. « J’ai été aveuglée parce que je n’avais plus que mon père. Il m’était difficile de croire qu’il ait pu faire une chose pareille. » Philippe Gillet a trois semaines pour s’expliquer. Verdict le 23 avril.
Henri Seckel / Le Monde
Le procès en appel de Philippe Gillet, accusé d’avoir tué sa femme et son amante à quinze mois d’intervalle, s’est ouvert mardi à Reims. L’agriculteur de 48 ans encourt la perpétuité dans ce dossier à rebondissements.
Par Henri Seckel
Céline Gillet est morte écrasée par une vache. C’était le 3 janvier 2012, le jour venait de se lever sur les Ardennes. Elle avait mené le bétail à la salle de traite, la pluie qui s’était engouffrée sous le toit en tôle avait rendu la paille glissante, et la dernière vache du troupeau, soudain prise de panique, avait perdu l’équilibre et fauché dans sa chute l’agricultrice de 34 ans, dont la tête avait heurté une barrière. La femme était restée au sol, l’animal s’était relevé, mais avait glissé de nouveau, tombant cette fois de tout son poids sur la victime.
Voilà ce que Philippe Gillet a raconté lorsque les premiers secours ont débarqué dans sa ferme, posée au bord de la départementale, entre Fromy et Margut (Ardennes). A leur arrivée, l’agriculteur, une figure locale, était dans un tel état d’agitation qu’il avait fallu appeler les gendarmes en renfort pour qu’il cesse de gêner les pompiers dans leurs tentatives de réanimation, finalement vaines. Un peu à l’écart du tumulte, une jeune femme blonde aux joues rouges avait assisté à la scène : Anaïs Guillaume.
Cette apprentie était entrée à la ferme quatre mois plus tôt, en alternance dans le cadre de son bac pro agricole, avec l’idée d’avoir un jour sa propre exploitation. Une idylle s’était tout de suite nouée entre la joviale étudiante de 20 ans et Philippe Gillet, vingt ans de plus et père de deux filles. La relation, d’abord secrète, puis officielle après la mort de Céline Gillet, était tempétueuse, ponctuée de ruptures. Elles ne duraient jamais, mais, au printemps 2013, l’affaire avait semblé se gâter : Anaïs Guillaume était tombée enceinte, avait avorté et s’était entichée d’un autre amant, plus jeune, moins charismatique mais moins colérique.
Le 16 avril 2013, en fin de soirée, Anaïs Guillaume se rend au domicile de Philippe Gillet. On ne l’a jamais revue.
Sacs de chaux
Puisqu’il est le dernier à avoir vu Anaïs Guillaume vivante, Philippe Gillet suscite mécaniquement le soupçon. Sa maison et sa ferme sont perquisitionnées ; ses champs ratissés par des équipes cynophiles, passés au radar géologique, survolés par un hélicoptère à caméra thermique ; on sonde les puits, les bassins de décantation, les silos, la fosse à purin. Rien.
Philippe Gillet ne cesse de nier son implication, au fil d’une enquête laborieuse qui va pourtant la rendre de plus en plus probable. Le soir de la disparition, l’agriculteur dit s’être couché à 1 heure au côté d’Anaïs Guillaume, mais s’être réveillé seul à 4 h 30, sans s’inquiéter : il n’était pas rare qu’elle parte en pleine nuit.
En retraçant l’activité nocturne du numéro de téléphone d’Anaïs Guillaume, les enquêteurs constatent que des SMS ont été échangés autour de 4 h 30 entre Philippe Gillet et la jeune femme, censée avoir quitté les lieux, mais dont la carte SIM a été insérée dans l’ancien portable de Céline Gillet, que l’agriculteur a conservé, et qui se trouve… à la ferme. Pour l’accusation, c’est entendu, « Philippe Gillet a clairement voulu se constituer un alibi » en essayant de « recréer artificiellement une discussion entre lui et Anaïs Guillaume qui n’était vraisemblablement plus en vie ou plus libre de ses mouvements à ce moment-là ».
Et puis il y a cet achat inhabituel pour Philippe Gillet, le 16 avril 2013 au matin, de deux sacs de chaux de 25 kilos, substance corrosive redoutablement efficace pour désinfecter une surface, désherber un sol ou dissoudre un cadavre.
Incohérences
Il y a, encore, ces témoignages de nombreux amis d’Anaïs Guillaume, qui ont vu les hématomes et les rougeurs recouvrir de temps en temps son corps ou son visage. En juin 2012, elle avait porté plainte contre Philippe Gillet, après un énième accès de violence. Plusieurs femmes, souvent jeunes, ayant eu une aventure avec l’agriculteur dressent le portrait d’un homme jaloux, brutalet menaçant, exerçant une certaine emprise, supportant mal l’idée d’être quitté.
Lire notre enquête : Féminicides, mécanique d’un crime annoncé
Une question remonte alors à la surface : Céline Gillet, qui envisageait de demander le divorce, est-elle réellement morte écrasée par une vache ? Le dossier de l’ex-épouse est ressorti des tiroirs en 2017 et réexaminé. Conclusion : la version du décès accidentel avancée cinq ans plus tôt par Philippe Gillet semble hautement improbable. Céline Gillet n’a souffert d’aucune lésion caractéristique d’un écrasement, souligne l’expert médical. Le récit de la chute de la vache est truffé d’incohérences, estime l’expert vétérinaire.
Un premier procès s’ouvre en mars 2019 devant la cour d’assises des Ardennes. Philippe Gillet, crâne rasé, ressemble à Marlon Brando dans Apocalypse Now. Il est jugé pour le meurtre de Céline Gillet et l’assassinat d’Anaïs Guillaume. Au sujet de la première, il réitère le scénario de la vache fatale. « Jusqu’à preuve du contraire, elle est toujours en vie, dit-il froidement au sujet de la seconde, dont on reste sans nouvelles. Elle a dû refaire sa vie, elle rêvait de partir. (…) Elle a peut-être tout quitté pour échapper à une dette de stupéfiants. » Le jury l’acquitte du meurtre de Céline Gillet mais le condamne à vingt-deux ans pour celui – sans préméditation – d’Anaïs Guillaume. Le parquet général, comme l’accusé, font appel.
Lettre anonyme
Le second procès s’est ouvert mardi 6 avril à Reims, devant la cour d’assises de la Marne. Philippe Gillet est toujours jugé pour le meurtre de Céline Gillet et l’assassinat d’Anaïs Guillaume,il encourt toujours la perpétuité, mais, d’un procès à l’autre, l’équation a changé : entre les deux, on a retrouvé le corps d’Anaïs Guillaume.
Le coup de théâtre s’est produit le 28 octobre 2019. Un mois plus tôt, une lettre anonyme, postée de Belgique, arrive chez l’avocat de Philippe Gillet, qui la transmet au procureur des Ardennes. Sept lignes tapées à l’ordinateur : « Les coupables de la disparition d’Anaïs sont toujours en liberté. Anaïs était en vie jusqu’en avril 2016. Elle a été retenue contre sa volonté en Belgique. Avec tout ce qui était dans la gazette, facile de charger le culto [l’agriculteur]. Comme le tas de fumier que les flics ont fouillé en face de sa ferme en 2015 y était toujours, elle a été enterrée avec de la chaux vive en dessous et y est toujours. »
La piste n’est pas explorée tout de suite. La justice, dans ce genre d’enquête, reçoit tant de lettres farfelues… Les jours passent. Victoria Gillet, qui n’a cessé de défendre l’innocence de son père et gère la ferme en son absence, s’impatiente. Le tas de fumier en question se trouve de l’autre côté de la départementale, à cent mètres de la ferme. Alors elle loue une petite pelleteuse et creuse elle-même. Un os apparaît. Les gendarmes rappliquent. Un squelette entier est exhumé. Analyse ADN : il s’agit bien d’Anaïs Guillaume. Le corbeau a dit vrai.
Mais le corbeau a aussi dit faux. A Cergy, dans les laboratoires de l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale, les os ont parlé : le squelette appartenait à une personne de 21 ans, l’âge d’Anaïs Guillaume en avril 2013 – elle ne pouvait donc pas être « en vie jusqu’en avril 2016 », date qui disculpait de faitPhilippe Gillet, incarcéré depuis janvier 2016.
L’avocat de Philippe Gillet clame que la zone du tas de fumier avait déjà été inspectée sans succès en 2015, suggérant que le cadavre a pu y être déposé après coup pour piéger son client. L’accusation rétorque que les fouilles n’avaient pas été complètes à l’époque : vu les conditions météorologiques désastreuses, on s’était contenté de retourner le fumier, sans creuser le sol en dessous.
L’aveu décisif
Le procès en appel aurait dû avoir lieu en avril 2020. Les enquêteurs peuvent remercier le Covid-19, qui a repoussé l’audience d’un an : sans ce délai supplémentaire, auraient-ils eu le temps d’obtenir l’aveu décisif de Victoria Gillet ? C’était en septembre 2020, l’ultime rebondissement de ce dossier : la fille de l’agriculteur confessait avoir écrit et envoyé la lettre anonyme, suivant les instructions de son père.
La rapidité avec laquelle elle était tombée sur la dépouille d’Anaïs Guillaume, malgré les indications succinctes de la lettre, avait éveillé le soupçon. Soupçon confirmé par la découverte, lors d’une nouvelle perquisition à la ferme de Fromy, d’une lettre écrite à la main par Philippe Gillet : un véritable brouillon, remis par ce dernier à sa fille lors d’un parloir, du courrier anonyme qu’elle allait ensuite poster. Confrontée à cet élément accablant, la jeune femme craque.
« J’ai conscience d’avoir été manipulée, dit-elle aux enquêteurs, j’ai peut-être fait un blocage parce que c’est mon père. » Victoria Gillet n’avait pas 18 ans quand elle s’est retrouvée orpheline de sa mère, avec un père en prison, une petite sœur à élever, et une exploitation agricole à faire tourner. « J’ai été aveuglée parce que je n’avais plus que mon père. Il m’était difficile de croire qu’il ait pu faire une chose pareille. » Philippe Gillet a trois semaines pour s’expliquer. Verdict le 23 avril.
Henri Seckel / Le Monde
Lisetoct
Re: Meurtre d'Anaïs Guillaume
Re: Meurtre d'Anaïs Guillaume
Aux assises de la Marne, les énormités de Philippe Gillet
L’agriculteur a été condamné, jeudi, à trente ans de prison pour l’assassinat de son apprentie et amante Anaïs Guillaume, et acquitté du meurtre de son épouse.
Henri Sekel / Le Monde
Pendant quelques secondes, Philippe Gillet est une vache. Une holstein pie noire de 600 kg, celle qui, selon lui, a tué son épouse le 3 janvier 2012. Aux dires de l’agriculteur de 48 ans, Céline Gillet est morte écrasée par une bête du troupeau qui, ce matin-là, a glissé sur le sol humide menant à la salle de traite de leur ferme de Fromy, dans les Ardennes. Lors de la reconstitution, un mannequin en plastique représentait Céline Gillet. Philippe Gillet s’était proposé d’incarner l’animal. Sur les photos montrées aux jurés de la cour d’assises de la Marne, on a donc vu l’accusé allongé sur le mannequin, dans la position du bovin au moment du drame. « Ça aurait été plus facile avec un mannequin de vache », a-t-il marmonné dans son box.
Faute de vache à l’audience, Philippe Gillet a de nouveau endossé le rôle à la barre, transformant le prétoire en étable et rejouant la scène fatale, moment surréaliste d’un procès mémorable. Tout en restant debout, jouant de son buste et de ses deux bras en guise de pattes arrières, il a mimé avec vigueur la soudaine glissade de l’animal sur le bassin, sa tentative de se relever, sa nouvelle glissade, sur le côté cette fois, qui l’a fait tomber de tout son long sur son épouse, coincée sous la bête gigotant les quatre fers en l’air. « Elle arrivait pas à ce que les pattes retouchent le sol, elle pouvait pas se redresser ! », a dit l’agriculteur massif, gouailleur, bouillonnant, théâtral sans le vouloir, sorte de Jean Gabin des champs.
Pas grand monde, parmi les experts venus témoigner, n’a cru à sa version des faits. Ni le médecin, pour qui les blessures de Céline Gillet n’étaient pas compatibles avec un écrasement, ni le vétérinaire qui s’est interrogé avec circonspection sur la densité du troupeau qui aurait dû empêcher la vache de tomber, sur la rareté des chutes en arrière – « cela n’arrive que lorsque les vaches sont en chaleur et se chevauchent » – ou sur les dix minutes qu’il a fallu pour relever l’animal : « Il y a beaucoup de choses que nous ne comprenons pas. »
« Pas suffisamment d’éléments pour condamner »
Pas grand monde n’y a cru, mais Philippe Gillet a été acquitté, jeudi 22 avril, du meurtre de son épouse, ce qu’il doit moins à ses talents d’imitation qu’au brouillard entourant les faits, conséquence de l’absence d’enquête sérieuse à l’époque. Il n’y avait pas eu d’autopsie ; Céline Gillet avait été rapidement incinérée ; une partie de l’étable avait été démolie avant la reconstitution ; il n’y a pas de mobile, hormis de supposées velléités de divorce. « Vous n’avez pas suffisamment d’éléments objectifs, factuels, concrets, pour condamner », a plaidé son avocat Ghislain Fay. Il y a deux ans, en première instance, la cour d’assises des Ardennes avait déjà acquitté Philippe Gillet du meurtre de sa femme.
Elle l’avait aussi déjà déclaré coupable d’avoir tué Anaïs Guillaume, comme l’a refait la cour d’assises de la Marne en appel. Mais d’un procès à l’autre, les 22 ans pour meurtre se sont transformés en 30 ans pour assassinat, dont 20 de sûreté. Les jurés ont été convaincus que Philippe Gillet, ne su pportant pas d’être quitté par sa jeune apprentie de 21 ans rapidement devenue son amante, cette fille qu’il avait « dans la peau », comme il l’avait répété à plusieurs témoins, avait décidé de la supprimer, dans la nuit du 16 au 17 avril 2013. « Pour moi, elle est partie. Elle disait toujours qu’elle allait foutre le camp loin, et voilà, elle a fini par le faire, a dit l’accusé. J’ai envoyé une paire de messages, j’ai pas eu de réponse, terminé. »A Charleville-Mézières, on avait déjà l’achat de chaux suspect, l’ultime bornage téléphonique d’Anaïs Guillaume, la nuit de sa disparition, dans la zone du domicile de Philippe Gillet, où il l’avait fait venir sous un curieux prétexte – essayer une voiture, à minuit. On avait déjà les tripatouillages de cartes SIM et les échanges de SMS manifestement destinés à faire croire à une conversation. Mais on n’avait pas ce qu’on a eu à Reims : le squelette d’Anaïs Guillaume portant des traces de chaux, découvert entre les deux procès, dans un champ situé face à la ferme de Philippe Gillet.
Lettre anonyme
Fin 2019, alors que l’agriculteur était en détention provisoire depuis trois ans, une lettre anonyme qui le disculpait indiquait aux enquêteurs où creuser – un endroit inspecté en surface en 2015, mais pas en profondeur. Quelques mois plus tard, alors qu’on venait de retrouver le manuscrit chez elle lors d’une perquisition, Victoria Gillet, 20 ans, avouait que cette lettre anonyme lui avait été remise au parloir par son père, qui l’avait chargée d’en envoyer une version dactylographiée. Philippe Gillet se trouvait donc en fâcheuse posture à l’entame des débats, qui ont largement tourné autour de ce courrier, et ont vu l’accusé s’agiter dans les sables mouvants du déni jusqu’à l’engloutissement.
« Le courrier a été glissé sous la porte de ma cellule », a promis Philippe Gillet. Une experte graphologue est pourtant venue assurer à l’audience que le brouillon manuscrit retrouvé chez sa fille était « sans ambiguïté » de sa main. « C’est parce que j’ai recopié l’original où y avait mon ADN et j’ai donné à ma fille la deuxième version, où j’étais sûr qu’il y avait pas de trace. »Pourquoi ne pas laisser de trace ? Pourquoi truffer la lettre de « belgicismes » ? Pourquoi demander à Victoria de mettre des gants, un bonnet, une écharpe, et d’aller la poster depuis la Belgique ? Pourquoi lui demander de détruire les brouillons, l’ordinateur et l’imprimante ? Pourquoi tout ça, sinon pour orienter vers une fausse piste ? « Moi la logique, vu que je suis sûr qu’en 2015, le corps y était pas, c’était de reprovoquer des fouilles, mais sans attirer l’attention, sinon tout le monde allait dire que c’est nous. » L’explication a laissé perplexe les jurés, qui ont parfois écarquillé les yeux de stupéfaction, mais pas autant que le rappel d’une première condamnation de Philippe Gillet.
En 2015, deux ans après la mort d’Anaïs Guillaume qui était encore un mystère, l’agriculteur avait eu une aventure avec une dénommée Charlotte, qui y avait vite mis fin. Juste après la rupture, elle avait trouvé sur son pare-brise une lettre anonyme remplie de détails sur son existence, et qui l’invitait à reprendre contact avec Philippe Gillet et à se plier à ses désirs sexuels, sans quoi on s’en prendrait à sa famille. Charlotte ayant choisi de ne pas respecter les instructions, elle avait reçu une salve de SMS menaçants d’un numéro inconnu. Les gendarmes avaient pu retrouver le magasin qui avait vendu la carte SIM associée. Philippe Gillet y était passé quelques jours plus tôt, le marchand n’avait pas oublié ce client qui réclamait curieusement une carte « intraçable ». Quatre mois de prison avec sursis avaient été prononcés contre l’exploitant qui, six ans plus tard à la barre, persiste à parler de complot contre lui, et assure qu’il avait bien coincé une enveloppe sous l’essuie-glace de Charlotte, mais que quelqu’un a substitué àà la lettre d’amour qu’elle contenait une lettre de menaces pour lui faire du tort.
Aplomb phénoménal et énième maladresse
L’aplomb phénoménal de cet accusé qui répond « oui, et alors ? » quand on lui présente un élément accablant n’a pas compensé son extrême précision dans l’art de se tirer une balle dans le pied. Répéter dix, vingt, trente fois, que « c’est pas possible », qu’il « doit y avoir une confusion dans les dates » et qu’il « [sait] quand même ce [qu’il a] fait », n’a pas convaincu les jurés, pas plus que l’ardente plaidoirie de l’impossible de son avocat Hugues Vigier sur l’étendue de la présomption d’innocence et les frontières de l’intime conviction.
A l’annonce du verdict, la famille Guillaume en larmes s’est regroupée autour de Valérie, la mère d’Anaïs dont la déposition a marqué l’audience – « Dans ce cercueil, je n’ai pas embrassé ma fille, j’ai embrassé un crâne ! » – et qui, au milieudu procès, avait fracassé de rage la porte battante de la salle d’audience lorsque Philippe Gillet, dans une énième maladresse, avançait comme preuve de son innocence que si vraiment, avant d’être placé en détention provisoire, il avait su qu’Anaïs Guillaume était enterrée dans son champ, « il était facile de mettre les os dans un épandeur, je prenais le tracteur, je l’éparpillais, on labourait les terres, et c’était fini ! »
La famille Gillet est en lambeaux. Il y a deux ans, Victoria était venue tous les jours à l’audience soutenir son père qu’elle pensait innocent. Elle ne lui parle plus, n’est venue cette fois-ci que le jour de sa déposition – crâne rendu complètement chauve par la chimiothérapie – pour dire qu’elle « ne [savait] plus quoi penser ». Sa petite sœur Irina, qui avait 8 ans à la mort de leur mère, a suivi tout le procès. « J’ai plus grand-chose, j’ai plus de famille, j’ai que mon père. » Elle est fâchée avec sa sœur, vit seule, passe son bac, souhaite devenir avocate. « Je trouve que je m’en sors plutôt bien. » Elle croit en l’innocence son père, mais ne lui jamais demandé. « C’est une question que je ne préfère pas poser. »
L’agriculteur a été condamné, jeudi, à trente ans de prison pour l’assassinat de son apprentie et amante Anaïs Guillaume, et acquitté du meurtre de son épouse.
Henri Sekel / Le Monde
Pendant quelques secondes, Philippe Gillet est une vache. Une holstein pie noire de 600 kg, celle qui, selon lui, a tué son épouse le 3 janvier 2012. Aux dires de l’agriculteur de 48 ans, Céline Gillet est morte écrasée par une bête du troupeau qui, ce matin-là, a glissé sur le sol humide menant à la salle de traite de leur ferme de Fromy, dans les Ardennes. Lors de la reconstitution, un mannequin en plastique représentait Céline Gillet. Philippe Gillet s’était proposé d’incarner l’animal. Sur les photos montrées aux jurés de la cour d’assises de la Marne, on a donc vu l’accusé allongé sur le mannequin, dans la position du bovin au moment du drame. « Ça aurait été plus facile avec un mannequin de vache », a-t-il marmonné dans son box.
Faute de vache à l’audience, Philippe Gillet a de nouveau endossé le rôle à la barre, transformant le prétoire en étable et rejouant la scène fatale, moment surréaliste d’un procès mémorable. Tout en restant debout, jouant de son buste et de ses deux bras en guise de pattes arrières, il a mimé avec vigueur la soudaine glissade de l’animal sur le bassin, sa tentative de se relever, sa nouvelle glissade, sur le côté cette fois, qui l’a fait tomber de tout son long sur son épouse, coincée sous la bête gigotant les quatre fers en l’air. « Elle arrivait pas à ce que les pattes retouchent le sol, elle pouvait pas se redresser ! », a dit l’agriculteur massif, gouailleur, bouillonnant, théâtral sans le vouloir, sorte de Jean Gabin des champs.
Pas grand monde, parmi les experts venus témoigner, n’a cru à sa version des faits. Ni le médecin, pour qui les blessures de Céline Gillet n’étaient pas compatibles avec un écrasement, ni le vétérinaire qui s’est interrogé avec circonspection sur la densité du troupeau qui aurait dû empêcher la vache de tomber, sur la rareté des chutes en arrière – « cela n’arrive que lorsque les vaches sont en chaleur et se chevauchent » – ou sur les dix minutes qu’il a fallu pour relever l’animal : « Il y a beaucoup de choses que nous ne comprenons pas. »
« Pas suffisamment d’éléments pour condamner »
Pas grand monde n’y a cru, mais Philippe Gillet a été acquitté, jeudi 22 avril, du meurtre de son épouse, ce qu’il doit moins à ses talents d’imitation qu’au brouillard entourant les faits, conséquence de l’absence d’enquête sérieuse à l’époque. Il n’y avait pas eu d’autopsie ; Céline Gillet avait été rapidement incinérée ; une partie de l’étable avait été démolie avant la reconstitution ; il n’y a pas de mobile, hormis de supposées velléités de divorce. « Vous n’avez pas suffisamment d’éléments objectifs, factuels, concrets, pour condamner », a plaidé son avocat Ghislain Fay. Il y a deux ans, en première instance, la cour d’assises des Ardennes avait déjà acquitté Philippe Gillet du meurtre de sa femme.
Elle l’avait aussi déjà déclaré coupable d’avoir tué Anaïs Guillaume, comme l’a refait la cour d’assises de la Marne en appel. Mais d’un procès à l’autre, les 22 ans pour meurtre se sont transformés en 30 ans pour assassinat, dont 20 de sûreté. Les jurés ont été convaincus que Philippe Gillet, ne su pportant pas d’être quitté par sa jeune apprentie de 21 ans rapidement devenue son amante, cette fille qu’il avait « dans la peau », comme il l’avait répété à plusieurs témoins, avait décidé de la supprimer, dans la nuit du 16 au 17 avril 2013. « Pour moi, elle est partie. Elle disait toujours qu’elle allait foutre le camp loin, et voilà, elle a fini par le faire, a dit l’accusé. J’ai envoyé une paire de messages, j’ai pas eu de réponse, terminé. »A Charleville-Mézières, on avait déjà l’achat de chaux suspect, l’ultime bornage téléphonique d’Anaïs Guillaume, la nuit de sa disparition, dans la zone du domicile de Philippe Gillet, où il l’avait fait venir sous un curieux prétexte – essayer une voiture, à minuit. On avait déjà les tripatouillages de cartes SIM et les échanges de SMS manifestement destinés à faire croire à une conversation. Mais on n’avait pas ce qu’on a eu à Reims : le squelette d’Anaïs Guillaume portant des traces de chaux, découvert entre les deux procès, dans un champ situé face à la ferme de Philippe Gillet.
Lettre anonyme
Fin 2019, alors que l’agriculteur était en détention provisoire depuis trois ans, une lettre anonyme qui le disculpait indiquait aux enquêteurs où creuser – un endroit inspecté en surface en 2015, mais pas en profondeur. Quelques mois plus tard, alors qu’on venait de retrouver le manuscrit chez elle lors d’une perquisition, Victoria Gillet, 20 ans, avouait que cette lettre anonyme lui avait été remise au parloir par son père, qui l’avait chargée d’en envoyer une version dactylographiée. Philippe Gillet se trouvait donc en fâcheuse posture à l’entame des débats, qui ont largement tourné autour de ce courrier, et ont vu l’accusé s’agiter dans les sables mouvants du déni jusqu’à l’engloutissement.
« Le courrier a été glissé sous la porte de ma cellule », a promis Philippe Gillet. Une experte graphologue est pourtant venue assurer à l’audience que le brouillon manuscrit retrouvé chez sa fille était « sans ambiguïté » de sa main. « C’est parce que j’ai recopié l’original où y avait mon ADN et j’ai donné à ma fille la deuxième version, où j’étais sûr qu’il y avait pas de trace. »Pourquoi ne pas laisser de trace ? Pourquoi truffer la lettre de « belgicismes » ? Pourquoi demander à Victoria de mettre des gants, un bonnet, une écharpe, et d’aller la poster depuis la Belgique ? Pourquoi lui demander de détruire les brouillons, l’ordinateur et l’imprimante ? Pourquoi tout ça, sinon pour orienter vers une fausse piste ? « Moi la logique, vu que je suis sûr qu’en 2015, le corps y était pas, c’était de reprovoquer des fouilles, mais sans attirer l’attention, sinon tout le monde allait dire que c’est nous. » L’explication a laissé perplexe les jurés, qui ont parfois écarquillé les yeux de stupéfaction, mais pas autant que le rappel d’une première condamnation de Philippe Gillet.
En 2015, deux ans après la mort d’Anaïs Guillaume qui était encore un mystère, l’agriculteur avait eu une aventure avec une dénommée Charlotte, qui y avait vite mis fin. Juste après la rupture, elle avait trouvé sur son pare-brise une lettre anonyme remplie de détails sur son existence, et qui l’invitait à reprendre contact avec Philippe Gillet et à se plier à ses désirs sexuels, sans quoi on s’en prendrait à sa famille. Charlotte ayant choisi de ne pas respecter les instructions, elle avait reçu une salve de SMS menaçants d’un numéro inconnu. Les gendarmes avaient pu retrouver le magasin qui avait vendu la carte SIM associée. Philippe Gillet y était passé quelques jours plus tôt, le marchand n’avait pas oublié ce client qui réclamait curieusement une carte « intraçable ». Quatre mois de prison avec sursis avaient été prononcés contre l’exploitant qui, six ans plus tard à la barre, persiste à parler de complot contre lui, et assure qu’il avait bien coincé une enveloppe sous l’essuie-glace de Charlotte, mais que quelqu’un a substitué àà la lettre d’amour qu’elle contenait une lettre de menaces pour lui faire du tort.
Aplomb phénoménal et énième maladresse
L’aplomb phénoménal de cet accusé qui répond « oui, et alors ? » quand on lui présente un élément accablant n’a pas compensé son extrême précision dans l’art de se tirer une balle dans le pied. Répéter dix, vingt, trente fois, que « c’est pas possible », qu’il « doit y avoir une confusion dans les dates » et qu’il « [sait] quand même ce [qu’il a] fait », n’a pas convaincu les jurés, pas plus que l’ardente plaidoirie de l’impossible de son avocat Hugues Vigier sur l’étendue de la présomption d’innocence et les frontières de l’intime conviction.
A l’annonce du verdict, la famille Guillaume en larmes s’est regroupée autour de Valérie, la mère d’Anaïs dont la déposition a marqué l’audience – « Dans ce cercueil, je n’ai pas embrassé ma fille, j’ai embrassé un crâne ! » – et qui, au milieudu procès, avait fracassé de rage la porte battante de la salle d’audience lorsque Philippe Gillet, dans une énième maladresse, avançait comme preuve de son innocence que si vraiment, avant d’être placé en détention provisoire, il avait su qu’Anaïs Guillaume était enterrée dans son champ, « il était facile de mettre les os dans un épandeur, je prenais le tracteur, je l’éparpillais, on labourait les terres, et c’était fini ! »
La famille Gillet est en lambeaux. Il y a deux ans, Victoria était venue tous les jours à l’audience soutenir son père qu’elle pensait innocent. Elle ne lui parle plus, n’est venue cette fois-ci que le jour de sa déposition – crâne rendu complètement chauve par la chimiothérapie – pour dire qu’elle « ne [savait] plus quoi penser ». Sa petite sœur Irina, qui avait 8 ans à la mort de leur mère, a suivi tout le procès. « J’ai plus grand-chose, j’ai plus de famille, j’ai que mon père. » Elle est fâchée avec sa sœur, vit seule, passe son bac, souhaite devenir avocate. « Je trouve que je m’en sors plutôt bien. » Elle croit en l’innocence son père, mais ne lui jamais demandé. « C’est une question que je ne préfère pas poser. »
Lisetoct
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