Féminicides
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Re: Féminicides
Le compagnon d’Aline Sepret, danseuse retrouvée brûlée dans sa voiture en 2018, renvoyé aux assises pour « assassinat »
Si de nombreuses zones d’ombre demeurent autour des circonstances de la mort de la jeune femme, le juge d’instruction a estimé que Mikael Corcessin-Dervin avait prémédité le crime de sa compagne. Son procès est prévu d’ici à la fin de l’année.
Par Richard Schittly(Lyon, correspondant)
Un féminicide prémédité. C’est la thèse retenue par le juge Nicolas Chareyre, après quatre ans d’instruction judiciaire sur les conditions de la mort d’Aline Sepret, 35 ans, danseuse découverte calcinée dans sa voiture, le 16 juin 2018 à Taluyers (Rhône), au sud de Lyon.
Chanteur en invalidité, son compagnon a raconté plusieurs versions au cours de l’enquête. Celle d’une chute accidentelle dans l’escalier de leur maison, au cours du démontage d’un arbre à chat. Puis celle d’un geste violent de sa part lors d’une dispute, qui aurait fait tomber la jeune femme, mais sans intention de la tuer. L’auteur a aussi affirmé que le choix de brûler le corps de la défunte lui avait été dicté par respect de la volonté d’Aline d’être incinérée en cas de décès.
Cette justification est repoussée par le magistrat instructeur, pour qui l’incendie visait plutôt à faire disparaître des traces. Nicolas Chareyre a finalement décidé de renvoyer Mikael Corcessin-Dervin, 41 ans, devant la cour d’assises de Lyon pour « assassinat », au terme de son ordonnance de mise en accusation, rendue le 7 juin.
Pour le juge d’instruction, la préméditation est surtout caractérisée par la présence d’amitriptyline dans l’organisme de la victime, ainsi que dans deux verres posés sur l’évier, dont un portait l’ADN d’Aline. « Les analyses toxicologiques réalisées sur la victime ont établi la présence d’amitriptyline, molécule de nature à altérer la vigilance et les mécanismes réflexes, et ce d’autant plus lorsqu’elle est associée à une consommation d’alcool et consommée par une personne non habituée », écrit le juge, dans l’ordonnance que Le Monde a pu consulter.Cette molécule est utilisée dans le Laroxyl, un médicament pour soigner la dépression. Or celui-ci était prescrit à Mikael Corcessin-Dervin, souffrant de troubles psychologiques depuis son accident de voiture. Ce dernier avait acquis du Laroxyl un mois avant les faits.
Zones d’ombre
Lors de sa garde à vue, le compagnon a expliqué qu’il avait simplement préparé un verre de rosé et un verre de vodka avec du sirop, sans rien ajouter, suggérant qu’Aline pouvait s’auto-médicamenter. A part ses déclarations, rien ne confirme cette hypothèse. Selon l’analyse du juge d’instruction, l’homme aurait voulu masquer le goût du produit avec du sirop, pour affaiblir la victime avant de s’en prendre à elle.
Après la scène dans la maison, puis le transport du corps, MiMikael Corcessin-Dervin a envoyé de faux SMS sur le téléphone de sa compagne, alors qu’elle était décédée. Il a appelé des proches et fait croire aux gendarmes qu’Aline était sortie en pleine nuit. Il a mis ses baskets dans la voiture pour accréditer le scénario d’une fugue nocturne.
Pour le juge d’instruction, ces manœuvres pour masquer le crime renforcent l’idée de la préméditation. « Ce comportement illustre parfaitement la préparation calculée du crime et de ses suites, et la volonté de dissimulation de sa responsabilité pénale, tout en se présentant comme la victime éplorée de la disparition de sa conjointe », estime M. Chareyre, qui a mené de nombreux interrogatoires après avoir repris l’instruction.
La défense cherche à écarter la préméditation de ce dossier aux zones d’ombre persistantes. « Mikael Corcessin a une responsabilité dans la disparition de sa compagne. Il l’a reconnue. Il n’est pas question de le contester. Mais il reste de nombreuses questions dans le déroulement du drame, et notamment sur la préméditation », estiment Damien Legrand et Loïc Bussy, avocats aux barreaux de Lille et Douai. Les deux pénalistes comptent beaucoup sur les audiences de la cour d’assises « pour établir les contours exacts de sa responsabilité ».
Relation « immature » et idéalisée
Parmi les éléments discutés, le juge retient à charge un épisode qui remonte à début mai 2018, un mois avant le crime présumé. Aline Sepret a été victime d’un violent coup sur la tête, dans son lit, en pleine nuit. La jeune danseuse avait envoyé à une amie des photos de son visage avec un bandage sur la tête, expliquant qu’elle ignorait comment elle avait été blessée.
En recoupant avec les témoignages qui rapportent des « mensonges » et des « accès de violence » du chanteur, le juge suppose que cet épisode a pu être une première tentative d’agression. D’autant que Mikael Corcessin-Dervin avait effectué des recherches sur Internet, avec les mots-clés : « frappe à la tête ». Confronté à ces éléments, le mis en examen a réfuté toute violence, évoquant un choc accidentel hors sa présence.
Le couple d’intermittents du spectacle s’était rencontré en 2013 et avait emménagé dans la maison d’Aline Sepret en 2016. L’année suivante, Mikael Corcessin-Dervin était victime d’un accidente voiture, avec des séquelles sur sa voix et son moral. Selon les experts, l’homme entretenait une relation « immature » et idéalisée. Des témoins le décrivent en « manipulateur », d’autres vantent ses talents artistiques.
Pour les experts psychiatres, le chanteur déchu a souffert d’un trouble de la personnalité, qualifié de « trouble de la conversion ». En substance : une perte d’identité professionnelle, compensée par une identité victimaire. La blessure narcissique provoquée par l’accident a-t-elle déclenché un processus fatal, par peur de l’abandon, frustration ou colère, ou par jalousie ?
Le juge d’instruction balaie ces différents mobiles propres aux féminicides, ajoutant un possible intérêt financier, sans arrêter sa conviction. Prompt à se mettre en scène, Mikael Corcessin-Dervin sera le personnage central de sonprocès, prévu d’ici la fin de l’année. Ce qui peut le pousser à faire de nouvelles révélations, selon plusieurs intervenants au dossier.
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Si de nombreuses zones d’ombre demeurent autour des circonstances de la mort de la jeune femme, le juge d’instruction a estimé que Mikael Corcessin-Dervin avait prémédité le crime de sa compagne. Son procès est prévu d’ici à la fin de l’année.
Par Richard Schittly(Lyon, correspondant)
Un féminicide prémédité. C’est la thèse retenue par le juge Nicolas Chareyre, après quatre ans d’instruction judiciaire sur les conditions de la mort d’Aline Sepret, 35 ans, danseuse découverte calcinée dans sa voiture, le 16 juin 2018 à Taluyers (Rhône), au sud de Lyon.
Chanteur en invalidité, son compagnon a raconté plusieurs versions au cours de l’enquête. Celle d’une chute accidentelle dans l’escalier de leur maison, au cours du démontage d’un arbre à chat. Puis celle d’un geste violent de sa part lors d’une dispute, qui aurait fait tomber la jeune femme, mais sans intention de la tuer. L’auteur a aussi affirmé que le choix de brûler le corps de la défunte lui avait été dicté par respect de la volonté d’Aline d’être incinérée en cas de décès.
Cette justification est repoussée par le magistrat instructeur, pour qui l’incendie visait plutôt à faire disparaître des traces. Nicolas Chareyre a finalement décidé de renvoyer Mikael Corcessin-Dervin, 41 ans, devant la cour d’assises de Lyon pour « assassinat », au terme de son ordonnance de mise en accusation, rendue le 7 juin.
Pour le juge d’instruction, la préméditation est surtout caractérisée par la présence d’amitriptyline dans l’organisme de la victime, ainsi que dans deux verres posés sur l’évier, dont un portait l’ADN d’Aline. « Les analyses toxicologiques réalisées sur la victime ont établi la présence d’amitriptyline, molécule de nature à altérer la vigilance et les mécanismes réflexes, et ce d’autant plus lorsqu’elle est associée à une consommation d’alcool et consommée par une personne non habituée », écrit le juge, dans l’ordonnance que Le Monde a pu consulter.Cette molécule est utilisée dans le Laroxyl, un médicament pour soigner la dépression. Or celui-ci était prescrit à Mikael Corcessin-Dervin, souffrant de troubles psychologiques depuis son accident de voiture. Ce dernier avait acquis du Laroxyl un mois avant les faits.
Zones d’ombre
Lors de sa garde à vue, le compagnon a expliqué qu’il avait simplement préparé un verre de rosé et un verre de vodka avec du sirop, sans rien ajouter, suggérant qu’Aline pouvait s’auto-médicamenter. A part ses déclarations, rien ne confirme cette hypothèse. Selon l’analyse du juge d’instruction, l’homme aurait voulu masquer le goût du produit avec du sirop, pour affaiblir la victime avant de s’en prendre à elle.
Après la scène dans la maison, puis le transport du corps, MiMikael Corcessin-Dervin a envoyé de faux SMS sur le téléphone de sa compagne, alors qu’elle était décédée. Il a appelé des proches et fait croire aux gendarmes qu’Aline était sortie en pleine nuit. Il a mis ses baskets dans la voiture pour accréditer le scénario d’une fugue nocturne.
Pour le juge d’instruction, ces manœuvres pour masquer le crime renforcent l’idée de la préméditation. « Ce comportement illustre parfaitement la préparation calculée du crime et de ses suites, et la volonté de dissimulation de sa responsabilité pénale, tout en se présentant comme la victime éplorée de la disparition de sa conjointe », estime M. Chareyre, qui a mené de nombreux interrogatoires après avoir repris l’instruction.
La défense cherche à écarter la préméditation de ce dossier aux zones d’ombre persistantes. « Mikael Corcessin a une responsabilité dans la disparition de sa compagne. Il l’a reconnue. Il n’est pas question de le contester. Mais il reste de nombreuses questions dans le déroulement du drame, et notamment sur la préméditation », estiment Damien Legrand et Loïc Bussy, avocats aux barreaux de Lille et Douai. Les deux pénalistes comptent beaucoup sur les audiences de la cour d’assises « pour établir les contours exacts de sa responsabilité ».
Relation « immature » et idéalisée
Parmi les éléments discutés, le juge retient à charge un épisode qui remonte à début mai 2018, un mois avant le crime présumé. Aline Sepret a été victime d’un violent coup sur la tête, dans son lit, en pleine nuit. La jeune danseuse avait envoyé à une amie des photos de son visage avec un bandage sur la tête, expliquant qu’elle ignorait comment elle avait été blessée.
En recoupant avec les témoignages qui rapportent des « mensonges » et des « accès de violence » du chanteur, le juge suppose que cet épisode a pu être une première tentative d’agression. D’autant que Mikael Corcessin-Dervin avait effectué des recherches sur Internet, avec les mots-clés : « frappe à la tête ». Confronté à ces éléments, le mis en examen a réfuté toute violence, évoquant un choc accidentel hors sa présence.
Le couple d’intermittents du spectacle s’était rencontré en 2013 et avait emménagé dans la maison d’Aline Sepret en 2016. L’année suivante, Mikael Corcessin-Dervin était victime d’un accidente voiture, avec des séquelles sur sa voix et son moral. Selon les experts, l’homme entretenait une relation « immature » et idéalisée. Des témoins le décrivent en « manipulateur », d’autres vantent ses talents artistiques.
Pour les experts psychiatres, le chanteur déchu a souffert d’un trouble de la personnalité, qualifié de « trouble de la conversion ». En substance : une perte d’identité professionnelle, compensée par une identité victimaire. La blessure narcissique provoquée par l’accident a-t-elle déclenché un processus fatal, par peur de l’abandon, frustration ou colère, ou par jalousie ?
Le juge d’instruction balaie ces différents mobiles propres aux féminicides, ajoutant un possible intérêt financier, sans arrêter sa conviction. Prompt à se mettre en scène, Mikael Corcessin-Dervin sera le personnage central de sonprocès, prévu d’ici la fin de l’année. Ce qui peut le pousser à faire de nouvelles révélations, selon plusieurs intervenants au dossier.
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Lisetoct
Re: Féminicides
Lisetoct
Re: Féminicides
« Moi, ce jour-là, j’ai tout perdu » : le témoignage de Fanny, fille d’une victime de féminicide
Le père de Fanny, une étudiante de 21 ans, a tué sa femme le lendemain de Noël 2018. La jeune fille a accepté de raconter au « Monde » comment elle et sa petite sœur, mineure et témoin du meurtre, tentent de se reconstruire.
Par Faustine Vincent(Clermont-Ferrand, envoyée sp
Fanny, 21 ans, est étudiante en école de commerce. Le 26 décembre 2018, son père, employé de mairie, a tué sa mère, professeure, dans la maison familiale près de Clermont-Ferrand. La jeune fille a accepté de raconter au Monde comment elle et sa petite sœur, mineure et témoin du meurtre, tentent de se reconstruire.
« C’était le lendemain de Noël, le 26 décembre 2018, dans la maison de mes parents. J’étais chez moi, à 10 kilomètres de là, mais ma petite sœur, 15 ans, était présente. Ça faisait des semaines que mes parents parlaient de se séparer. On a eu une enfance idyllique, on formait une belle famille, mais mon père, qui a eu une enfance difficile, allait très mal depuis quelque temps. Ma mère ne l’aimait plus, elle restait pour ma sœur et moi. Mon père, lui, était toujours amoureux et n’acceptait pas le divorce.
Ce matin-là, mes parents discutaient dans le salon. Ma mère lui a dit calmement : « C’est bon, on divorce. » Quand ma sœur s’est levée, ils sont allés à l’étage continuer la discussion. Puis ma sœur a entendu un cri strident. Elle a vite grimpé les escaliers. Mon père était sur le lit en train d’étrangler ma mère. Ma sœur a fait le tour du lit, elle lui a hurlé dessus pour qu’il la lâche, mais il était littéralement hors de lui, comme absent. Elle est descendue appeler les secours, puis elle a attendu dans le salon, avec notre chienne.
Mon père avait un couteau dans la poche de sa polaire. Il l’a planté sept fois dans la gorge de ma mère. On m’a dit que ça avait touché sa carotide et qu’elle n’avait pas souffert, mais c’est ridicule, elle a dû avoir si peur.Ensuite il s’est lavé les mains, il est redescendu dans le salon et a serré ma sœur dans les bras. Il lui a dit : « Ta mère m’a obligé. Je suis désolé pour tout ça. C’est la dernière fois que tu me vois. » Puis il a mis une corde dans la voiture pour aller se suicider, mais il a été intercepté par les gendarmes.
Nos psys pensent qu’en fait ma sœur a tout vu, mais qu’elle en a refoulé une partie. Le soir même, elle a été prise en charge par une cellule psychologique d’urgence au CHU de Clermont-Ferrand.
Mon père est incarcéré à la prison de Riom (Puy-de-Dôme). J’ai encore reçu une lettre de lui ce matin. Sans doute parce que c’est bientôt mon anniversaire. C’est la treizième ou quatorzième que je reçois. Il me dit qu’il pense à moi, m’appelle « bébé love » et me raconte sa vie en détention. Il m’a écrit qu’il avait rencontré un « homme formidable », avec qui il regarde des films, avec qui il fait du sport et raconte ses souvenirs : « Dire qu’il a fallu que je me retrouve en prison pour rencontrer un mec aussi top ! Nous sommes soudés, et ce n’est pas rien ! » Cet homme, c’est Ludovic Dimec, celui qui a aussi tué sa femme, Sylvia Bouchet, en 2018.
Je ne veux plus que mon père m’écrive. J’ai déjà fait la demande plusieurs fois par le biais de mon avocat, mais ça continue. Au début, recevoir ses lettres, c’était très dur, parce que mon cerveau a cru que mes parents étaient morts le 26 décembre. Alors quand j’ai reçu la première, ça m’a fait disjoncter, je me suis rendu compte qu’en fait il est toujours vivant, et que c’est encore un deuil à porter. S’il s’était suicidé, ça aurait été plus simple.
Ce qui rend les choses encore plus difficiles, c’est que j’ai eu un père formidable. Il n’avait jamais été violent auparavant
Ce que les gens ont du mal à comrendre, c’est que moi, ce jour-là, j’ai perdu ma mère, mais j’ai aussi perdu mon père, la maison dans laquelle j’ai grandi… J’ai tout perdu. Ce n’est pas un simple accident où il reste un parent sur lequel vous pouvez vous reposer. C’est tout qui s’écroule. Je n’ai eu aucun soutien de la part de ma famille. Beaucoup se sont dit : « Elle est majeure, elle sait comment gérer. »
Ce qui rend les choses encore plus difficiles, c’est que j’ai eu un père formidable. Il n’avait jamais été violent auparavant, ni avec ma mère ni avec moi. Et ma mère était tout sauf une femme battue. C’était une féministe, indépendante, avec uneforce de caractère exceptionnelle. Elle n’aurait jamais toléré qu’il lève la main sur elle. Elle m’avait mise en garde : « Si un homme te frappe, tu pars aussitôt. Rien au monde ne peut justifier ça. »
Cette ambiguïté des sentiments envers mon père, c’est le plus dur à gérer, entre l’amour, le respect, l’admiration que j’ai eus pour lui, et le fait que maintenant je le haïsse au point que ça puisse dévorer tous ces autres sentiments. J’aurais préféré qu’il soit exécrable et ne se soit jamais occupé de nous, ça aurait été moins compliqué d’accepter ce qu’il a fait. Je ne lui veux pas de mal, juste ne plus en entendre parler. La priorité, aujourd’hui, c’est gérer la mort de ma maman, pas la relation future avec mon père.
Ma sœur gère les choses différemment. Elle le réclame. Au début, je l’ai hébergée chez moi, puis elle est allée chez mes grands-parents, mais ça s’est mal passé. Aujourd’hui, elle est placée en foyer. Mon père a gardé l’autorité parentale, donc le juge l’avait consulté par vidéoconférence, en prison, pour demander son avis sur l’endroit où elle irait. Ce qui est tout aussi révoltant, c’est que s’il a un jour besoin d’aller en Ehpad, ce sera à nous de payer. Après ce qu’il a fait, ce n’est pas normal qu’on ait des devoirs financiers envers lui.
« On dit souvent que les enfants sont une partie de leurs parents, mais moi, ma maman, c’était une partie de moi »
Depuis septembre, ma sœur a le droit d’aller le voir toutes les trois semaines au parloir, mais ça la perturbe énormément. Moi, je pleure toujours, mais j’avance, je suis retournée à la fac, j’ai passé les concours et intégré une école de commerce. Pour elle, se reconstruire sera beaucoup plus long. Au début, elle entendait ma mère hurler toutes les nuits. Avec ma sœur, on a du mal à se sentir proches en ce moment parce que le processus de deuil est très différent. Pendant un temps, elle ne voulait plus me voir.
J’ai peur de revoir mon père au procès. Pour moi, le père modèle qui m’a élevée, il est mort. On dit souvent que les enfants sont une partie de leurs parents, mais moi, ma maman, c’était une partie de moi. Depuis, il y a un vide énorme. C’est comme un trou béant au milieu de la poitrine, qui vous dévore entièrement. Je suis en train d’écrire un livre sur tout ça. C’est une façon d’extérioriser le mal. J’avais pensé l’intituler « Quand mon père a tué ma mère », mais finalement je vais l’appeler « Vingt ans avec elle ».
’ai fait l’éloge de ma mère aux obsèques. Sans la force qu’elle m’a donnée, je n’aurais jamais été capable de supporter sa perte. C’est tout un travail de deuil à faire au quotidien. Je me dis : qui sera là à ma remise de diplôme ? A mon mariage ? A mon accouchement ? J’ai parfois pensé à me suicider, mais j’ai mon copain, ma sœur, et puis je n’ai que 21 ans. Alors même si ma mère ne sera pas là pour les échéances importantes, je veux les vivre. »
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Le père de Fanny, une étudiante de 21 ans, a tué sa femme le lendemain de Noël 2018. La jeune fille a accepté de raconter au « Monde » comment elle et sa petite sœur, mineure et témoin du meurtre, tentent de se reconstruire.
Par Faustine Vincent(Clermont-Ferrand, envoyée sp
Fanny, 21 ans, est étudiante en école de commerce. Le 26 décembre 2018, son père, employé de mairie, a tué sa mère, professeure, dans la maison familiale près de Clermont-Ferrand. La jeune fille a accepté de raconter au Monde comment elle et sa petite sœur, mineure et témoin du meurtre, tentent de se reconstruire.
« C’était le lendemain de Noël, le 26 décembre 2018, dans la maison de mes parents. J’étais chez moi, à 10 kilomètres de là, mais ma petite sœur, 15 ans, était présente. Ça faisait des semaines que mes parents parlaient de se séparer. On a eu une enfance idyllique, on formait une belle famille, mais mon père, qui a eu une enfance difficile, allait très mal depuis quelque temps. Ma mère ne l’aimait plus, elle restait pour ma sœur et moi. Mon père, lui, était toujours amoureux et n’acceptait pas le divorce.
Ce matin-là, mes parents discutaient dans le salon. Ma mère lui a dit calmement : « C’est bon, on divorce. » Quand ma sœur s’est levée, ils sont allés à l’étage continuer la discussion. Puis ma sœur a entendu un cri strident. Elle a vite grimpé les escaliers. Mon père était sur le lit en train d’étrangler ma mère. Ma sœur a fait le tour du lit, elle lui a hurlé dessus pour qu’il la lâche, mais il était littéralement hors de lui, comme absent. Elle est descendue appeler les secours, puis elle a attendu dans le salon, avec notre chienne.
Mon père avait un couteau dans la poche de sa polaire. Il l’a planté sept fois dans la gorge de ma mère. On m’a dit que ça avait touché sa carotide et qu’elle n’avait pas souffert, mais c’est ridicule, elle a dû avoir si peur.Ensuite il s’est lavé les mains, il est redescendu dans le salon et a serré ma sœur dans les bras. Il lui a dit : « Ta mère m’a obligé. Je suis désolé pour tout ça. C’est la dernière fois que tu me vois. » Puis il a mis une corde dans la voiture pour aller se suicider, mais il a été intercepté par les gendarmes.
Nos psys pensent qu’en fait ma sœur a tout vu, mais qu’elle en a refoulé une partie. Le soir même, elle a été prise en charge par une cellule psychologique d’urgence au CHU de Clermont-Ferrand.
Mon père est incarcéré à la prison de Riom (Puy-de-Dôme). J’ai encore reçu une lettre de lui ce matin. Sans doute parce que c’est bientôt mon anniversaire. C’est la treizième ou quatorzième que je reçois. Il me dit qu’il pense à moi, m’appelle « bébé love » et me raconte sa vie en détention. Il m’a écrit qu’il avait rencontré un « homme formidable », avec qui il regarde des films, avec qui il fait du sport et raconte ses souvenirs : « Dire qu’il a fallu que je me retrouve en prison pour rencontrer un mec aussi top ! Nous sommes soudés, et ce n’est pas rien ! » Cet homme, c’est Ludovic Dimec, celui qui a aussi tué sa femme, Sylvia Bouchet, en 2018.
Je ne veux plus que mon père m’écrive. J’ai déjà fait la demande plusieurs fois par le biais de mon avocat, mais ça continue. Au début, recevoir ses lettres, c’était très dur, parce que mon cerveau a cru que mes parents étaient morts le 26 décembre. Alors quand j’ai reçu la première, ça m’a fait disjoncter, je me suis rendu compte qu’en fait il est toujours vivant, et que c’est encore un deuil à porter. S’il s’était suicidé, ça aurait été plus simple.
Ce qui rend les choses encore plus difficiles, c’est que j’ai eu un père formidable. Il n’avait jamais été violent auparavant
Ce que les gens ont du mal à comrendre, c’est que moi, ce jour-là, j’ai perdu ma mère, mais j’ai aussi perdu mon père, la maison dans laquelle j’ai grandi… J’ai tout perdu. Ce n’est pas un simple accident où il reste un parent sur lequel vous pouvez vous reposer. C’est tout qui s’écroule. Je n’ai eu aucun soutien de la part de ma famille. Beaucoup se sont dit : « Elle est majeure, elle sait comment gérer. »
Ce qui rend les choses encore plus difficiles, c’est que j’ai eu un père formidable. Il n’avait jamais été violent auparavant, ni avec ma mère ni avec moi. Et ma mère était tout sauf une femme battue. C’était une féministe, indépendante, avec uneforce de caractère exceptionnelle. Elle n’aurait jamais toléré qu’il lève la main sur elle. Elle m’avait mise en garde : « Si un homme te frappe, tu pars aussitôt. Rien au monde ne peut justifier ça. »
Cette ambiguïté des sentiments envers mon père, c’est le plus dur à gérer, entre l’amour, le respect, l’admiration que j’ai eus pour lui, et le fait que maintenant je le haïsse au point que ça puisse dévorer tous ces autres sentiments. J’aurais préféré qu’il soit exécrable et ne se soit jamais occupé de nous, ça aurait été moins compliqué d’accepter ce qu’il a fait. Je ne lui veux pas de mal, juste ne plus en entendre parler. La priorité, aujourd’hui, c’est gérer la mort de ma maman, pas la relation future avec mon père.
Ma sœur gère les choses différemment. Elle le réclame. Au début, je l’ai hébergée chez moi, puis elle est allée chez mes grands-parents, mais ça s’est mal passé. Aujourd’hui, elle est placée en foyer. Mon père a gardé l’autorité parentale, donc le juge l’avait consulté par vidéoconférence, en prison, pour demander son avis sur l’endroit où elle irait. Ce qui est tout aussi révoltant, c’est que s’il a un jour besoin d’aller en Ehpad, ce sera à nous de payer. Après ce qu’il a fait, ce n’est pas normal qu’on ait des devoirs financiers envers lui.
« On dit souvent que les enfants sont une partie de leurs parents, mais moi, ma maman, c’était une partie de moi »
Depuis septembre, ma sœur a le droit d’aller le voir toutes les trois semaines au parloir, mais ça la perturbe énormément. Moi, je pleure toujours, mais j’avance, je suis retournée à la fac, j’ai passé les concours et intégré une école de commerce. Pour elle, se reconstruire sera beaucoup plus long. Au début, elle entendait ma mère hurler toutes les nuits. Avec ma sœur, on a du mal à se sentir proches en ce moment parce que le processus de deuil est très différent. Pendant un temps, elle ne voulait plus me voir.
J’ai peur de revoir mon père au procès. Pour moi, le père modèle qui m’a élevée, il est mort. On dit souvent que les enfants sont une partie de leurs parents, mais moi, ma maman, c’était une partie de moi. Depuis, il y a un vide énorme. C’est comme un trou béant au milieu de la poitrine, qui vous dévore entièrement. Je suis en train d’écrire un livre sur tout ça. C’est une façon d’extérioriser le mal. J’avais pensé l’intituler « Quand mon père a tué ma mère », mais finalement je vais l’appeler « Vingt ans avec elle ».
’ai fait l’éloge de ma mère aux obsèques. Sans la force qu’elle m’a donnée, je n’aurais jamais été capable de supporter sa perte. C’est tout un travail de deuil à faire au quotidien. Je me dis : qui sera là à ma remise de diplôme ? A mon mariage ? A mon accouchement ? J’ai parfois pensé à me suicider, mais j’ai mon copain, ma sœur, et puis je n’ai que 21 ans. Alors même si ma mère ne sera pas là pour les échéances importantes, je veux les vivre. »
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Au procès de Valérie Bacot, le déni d’une mère et le calvaire des frères et sœurs du « monstre » Daniel Polette
L’accusée comparaît devant la cour d’assises de Saône-et-Loire pour l’assassinat de son mari, Daniel Polette, qui fut d’abord le compagnon de sa mère. Cette dernière a témoigné mercredi.
Par Louise Couvelaire(Chalon-sur-Saône, envoyée spéciale)
Jusque-là, elle ne laissait rien paraître. Pendant les deux premiers jours d’audience de la cour d’assises de Saône-et-Loire devant laquelle elle comparaît pour l’assassinat de son mari, Valérie Bacot est restée immobile. Assise, tête baissée, épaules rentrées, mains jointes sur les cuisses. Elle n’a bougé que pour aller témoigner. Elle n’a flanché que lorsqu’elle a témoigné. Mercredi matin 23 juin, changement d’attitude. Dès les premières minutes, elle ne tient pas en place, secouant la tête à plusieurs reprises, pivotant sans cesse pour murmurer à l’oreille de ses avocates. Le motif de cette agitation ? Sa mère est à la barre.
Joëlle Aubagne, 65 ans, est ici pour éclairer les six jurés sur l’enfance de l’accusée, son adolescence, sa rencontre avec Daniel Polette, dit « Dany », l’homme qui fut son compagnon avant de devenir celui de sa fille ; l’homme qu’elle allait voir en prison avec Valérie Bacot alors qu’il purgeait une peine de quatre ans – il n’en fera que deux et demi – pour avoir violé cette dernière lorsqu’elle avait 12-13 ans ; l’homme qu’elle avait de nouveau accueilli chez elle à sa libération ; l’homme que sa fille a tué d’une balle dans la nuque après presque vingt ans de violences conjugales et quatorze années de prostitution forcée. « Emmener sa fille voir en prison l’homme qui l’a violée ? Cette femme n’a rien compris ! », s’indigne un peu plus tard à la barre Mireille Polette, l’une des sœurs de « Dany« Votre fille a été violée par l’homme avec qui vous viviez ! Comment pouvez-vous [à ce moment-là] imaginer qu’il puisse revenir à la maison ? », l’interpelle l’avocat général.
Un petit gabarit, Joëlle Aubagne, comme sa fille, une femme antipathique aussi, un ton sec, un air pincé. Debout, les bras tendus de part et d’autre du pupitre, face à la présidente du tribunal, la retraitée semble davantage soucieuse de se dédouaner de toute responsabilité dans le calvaire vécu par sa fille que désireuse de prendre sa part et la soutenir. « Elle [Valérie Bacot] a grandi sans soucis particuliers », affirme-t-elle en préambule, « oubliant » de mentionner sondivorce, sa dépression, ses hospitalisations en psychiatrie, l’abus sexuel commis par son fils aîné sur sa cadette, et niant tout problème d’alcoolisme, comme l’a pourtant affirmé sa fille et comme pouvaient le laisser supposer les conclusions de l’enquête sociale menée à la suite d’une demande de garde du père.
« Ça s’est passé derrière mon dos »
Concernant les viols perpétrés par celui qui partageait sa vie, rencontré via la radio CB de son mari (« Dany » était chauffeur routier), « ça s’est passé derrière mon dos, j’avais mon commerce [une mercerie], je ne rentrais pas avant 19 heures ». Quant aux visites en prison, auxquelles le père de Valérie Bacot était farouchement opposé, « c’est elle qui le voulait, elle était grande, c’est pas moi qui lui ai pris la main », a-t-elle répondu à la présidente du tribunal. Valérie Bacot avait 15 ans à ce moment-là et avait déjà passé plusieurs années sous la domination de Daniel Polette, beau-père incestueux de vingt-cinq ans son aîné. « Ça lui permettait aussi de faire ses heures de conduite accompagnée », précise Joëlle Aubagne, sans avoir conscience, semble-t-il, de la stupéfaction que ses propos provoquent dans la salle d’audience.
Et lorsque Daniel Polette est revenu après sa sortie de prison ? « Il avait fait des mea culpa, il avait demandé pardon, je me suis dit qu’on pouvait essayer d’excuser, naïve j’ai été à l’époque, ils [Daniel Polette et sa fille] étaient très complices (…). Ils voulaient aller à la pêche ensemble, elle voulait aller avec lui dans son camion les mercredis (…). Je disais non, je suis devenu la méchante. (…) J’ai suspecté qu’elle était enceinte, ils se sont bien fichés de ma figure, raconte-t-elle, amère. J’ai eu très mal qu’elle soit partie en claquant la porte. » Elle a bien alerté un éducateur lorsqu’elle a suspecté une relation. Trop tard, sa fille allait atteindre sa majorité deux mois plus tard.
Ce sont les mots qui échappent à Joëlle Aubagne qui en disent le plus long sur sa nature, ceux qu’elle prononce trop vite. Ainsi lorsque l’avocate de la défense l’interroge sur l’abus sexuel commis par son fils aîné alors que Valérie n’avait que 5 ans, elle répond avoir découvert tardivement cette « anecdote » avant de parler d’un « fait » auquel elle ne croit toujours pas. Quand on lui rappelle qu’un rapport d’enquête souligne qu’elle n’avait montré aucune émotion lorsqu’elle avait appris que sa fille avait été violée par son compagnon, elle réagit : « Quoi, il fallait peut-être que je crie ?, fait-elle mine de s’interroger. C’était scotchant, vexant. » Vexant… « Non, je n’étais pas jalouse », assure-t-elle.
Valérie Bacot, elle, n’attendait « rien » de sa mère, a-t-elle déclaré à la présidente du tribunal en fin de journée, et « n’en attendra jamais rien », a-t-elle ajouté, précisant qu’il était « hors de question qu’elle voit [ses] enfants ». Joëlle Aubagne n’a plus jamais eu de contact avec sa fille après le mois d’août 1998. Date à laquelle Valérie Bacot, alors enceinte, est partie s’installer avec Daniel Polette, sans rien savoir du passé de son violeur.
Le passé d’un fils qui tabassait son père (qui s’est pendu dans le garage) et sa mère, d’un amant qui terrorisait ses compagnes – trois d’entre elles ont témoigné des sévices dont elles ont été victimes ; si elles ne se connaissaient pas avant le drame, aujourd’hui, elles font bloc autour de Valérie Bacot –, d’un frère qui maltraitait sa fratrie (ils étaient huit enfants) et violait l’une de ses sœurs, Monique Polette.
« J’étais devenue son esclave »
C’est une femme détruite qui s’est présentée à la barre ce mercredi après-midi. Sujette à de nombreux malaises, Monique tient à peine debout, elle est contrainte de s’asseoir. Sa sœur, Mireille, 56 ans, qui a témoigné quelques minutes plus tôt des menaces, des coups et des armes – « le regard, ce regard, son regard, on avait tous tellement peur » – est restée pour la soutenir. Ce sont elles qui ont fait part à la justice de leurs soupçons concernant le comportement de leur frère avec sa belle-fille, Valérie. C’est à la suite de cette procédure que Daniel Polette a passé un peu plus de deux ans en prison. « Deux ans seulement !, s’insurge Mireille Polette. Il aurait dû y rester bien plus longtemps et peut-être que Valérie aurait eu le temps de rencontrer un garçon et de se rendre compte que la vie, ce n’était pas ça. »
Monique Polette, 59 ans, peine à s’exprimer. Ses mots se noient dans ses sanglots. Ce qu’elle raconte du « monstre », comme l’appelle Alain, l’un de ses frères venu témoigner, est difficile à entendre. Violée chaque semaine, plusieurs fois par semaine, à partir de l’âge de 11 ans, elle est alors contrainte au silence. Une arme à la main, Daniel Polette « me disait “ça reste entre toi et moi, sinon… une balle pour toi, une balle pour la maman”, je ne voulais pas qu’il tue ma mère. J’ai essayé de dire non, il me mettait une dérouillée, c’est devenu de plus en plus violent, j’étais devenue son esclave », raconte-t-elle.
A 13 ans, elle fait sa première tentative de suicide en avalant des cachets. Sans succès. « Les armes, les cris, le sang, moi, mon souhait, c’était mourir. Je suis allée dans sa chambre, je voulais prendre une arme pour le tuer. J’aurais dû le tuer. » A bout, elle appelle les services sociaux chargés de suivre la famille après le suicide de leur père. « J’ai fini dans un foyer, tandis que lui, il est resté à la maison. Soyons fous ! » Devenue alcoolique, elle est renvoyée du foyer et atterrit dans la rue, où elle vivra des années. « C’est moi qu’on viole, c’est moi qu’on tape, et c’est moi qui suis dans la rue. Aujourd’hui encore, tellement je souffre, j’aimerais mourir. On ne m’a jamais aidée (…). La personne que je remercierais le plus au monde, c’est Valérie, elle a fait ce que j’aurais dû faire il y a longtemps. »
« J’espère que mon jugement, pour eux aussi [la famille Polette], va nous faire réussir à tourner la page, a conclu Valérie Bacot face à la présidente du tribunal. J’espère qu’on arrivera à être heureux (…). Alors on aura gagné contre lui. Mais [pour l’instant], on ne vit encore pas dans le même univers que vous tous. »https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/06/24/au-proces-de-valerie-bacot-le-deni-d-une-mere-et-le-calvaire-des-freres-et-s-urs-du-monstre-polette_6085433_3224.html
L’accusée comparaît devant la cour d’assises de Saône-et-Loire pour l’assassinat de son mari, Daniel Polette, qui fut d’abord le compagnon de sa mère. Cette dernière a témoigné mercredi.
Par Louise Couvelaire(Chalon-sur-Saône, envoyée spéciale)
Jusque-là, elle ne laissait rien paraître. Pendant les deux premiers jours d’audience de la cour d’assises de Saône-et-Loire devant laquelle elle comparaît pour l’assassinat de son mari, Valérie Bacot est restée immobile. Assise, tête baissée, épaules rentrées, mains jointes sur les cuisses. Elle n’a bougé que pour aller témoigner. Elle n’a flanché que lorsqu’elle a témoigné. Mercredi matin 23 juin, changement d’attitude. Dès les premières minutes, elle ne tient pas en place, secouant la tête à plusieurs reprises, pivotant sans cesse pour murmurer à l’oreille de ses avocates. Le motif de cette agitation ? Sa mère est à la barre.
Joëlle Aubagne, 65 ans, est ici pour éclairer les six jurés sur l’enfance de l’accusée, son adolescence, sa rencontre avec Daniel Polette, dit « Dany », l’homme qui fut son compagnon avant de devenir celui de sa fille ; l’homme qu’elle allait voir en prison avec Valérie Bacot alors qu’il purgeait une peine de quatre ans – il n’en fera que deux et demi – pour avoir violé cette dernière lorsqu’elle avait 12-13 ans ; l’homme qu’elle avait de nouveau accueilli chez elle à sa libération ; l’homme que sa fille a tué d’une balle dans la nuque après presque vingt ans de violences conjugales et quatorze années de prostitution forcée. « Emmener sa fille voir en prison l’homme qui l’a violée ? Cette femme n’a rien compris ! », s’indigne un peu plus tard à la barre Mireille Polette, l’une des sœurs de « Dany« Votre fille a été violée par l’homme avec qui vous viviez ! Comment pouvez-vous [à ce moment-là] imaginer qu’il puisse revenir à la maison ? », l’interpelle l’avocat général.
Un petit gabarit, Joëlle Aubagne, comme sa fille, une femme antipathique aussi, un ton sec, un air pincé. Debout, les bras tendus de part et d’autre du pupitre, face à la présidente du tribunal, la retraitée semble davantage soucieuse de se dédouaner de toute responsabilité dans le calvaire vécu par sa fille que désireuse de prendre sa part et la soutenir. « Elle [Valérie Bacot] a grandi sans soucis particuliers », affirme-t-elle en préambule, « oubliant » de mentionner sondivorce, sa dépression, ses hospitalisations en psychiatrie, l’abus sexuel commis par son fils aîné sur sa cadette, et niant tout problème d’alcoolisme, comme l’a pourtant affirmé sa fille et comme pouvaient le laisser supposer les conclusions de l’enquête sociale menée à la suite d’une demande de garde du père.
« Ça s’est passé derrière mon dos »
Concernant les viols perpétrés par celui qui partageait sa vie, rencontré via la radio CB de son mari (« Dany » était chauffeur routier), « ça s’est passé derrière mon dos, j’avais mon commerce [une mercerie], je ne rentrais pas avant 19 heures ». Quant aux visites en prison, auxquelles le père de Valérie Bacot était farouchement opposé, « c’est elle qui le voulait, elle était grande, c’est pas moi qui lui ai pris la main », a-t-elle répondu à la présidente du tribunal. Valérie Bacot avait 15 ans à ce moment-là et avait déjà passé plusieurs années sous la domination de Daniel Polette, beau-père incestueux de vingt-cinq ans son aîné. « Ça lui permettait aussi de faire ses heures de conduite accompagnée », précise Joëlle Aubagne, sans avoir conscience, semble-t-il, de la stupéfaction que ses propos provoquent dans la salle d’audience.
Et lorsque Daniel Polette est revenu après sa sortie de prison ? « Il avait fait des mea culpa, il avait demandé pardon, je me suis dit qu’on pouvait essayer d’excuser, naïve j’ai été à l’époque, ils [Daniel Polette et sa fille] étaient très complices (…). Ils voulaient aller à la pêche ensemble, elle voulait aller avec lui dans son camion les mercredis (…). Je disais non, je suis devenu la méchante. (…) J’ai suspecté qu’elle était enceinte, ils se sont bien fichés de ma figure, raconte-t-elle, amère. J’ai eu très mal qu’elle soit partie en claquant la porte. » Elle a bien alerté un éducateur lorsqu’elle a suspecté une relation. Trop tard, sa fille allait atteindre sa majorité deux mois plus tard.
Ce sont les mots qui échappent à Joëlle Aubagne qui en disent le plus long sur sa nature, ceux qu’elle prononce trop vite. Ainsi lorsque l’avocate de la défense l’interroge sur l’abus sexuel commis par son fils aîné alors que Valérie n’avait que 5 ans, elle répond avoir découvert tardivement cette « anecdote » avant de parler d’un « fait » auquel elle ne croit toujours pas. Quand on lui rappelle qu’un rapport d’enquête souligne qu’elle n’avait montré aucune émotion lorsqu’elle avait appris que sa fille avait été violée par son compagnon, elle réagit : « Quoi, il fallait peut-être que je crie ?, fait-elle mine de s’interroger. C’était scotchant, vexant. » Vexant… « Non, je n’étais pas jalouse », assure-t-elle.
Valérie Bacot, elle, n’attendait « rien » de sa mère, a-t-elle déclaré à la présidente du tribunal en fin de journée, et « n’en attendra jamais rien », a-t-elle ajouté, précisant qu’il était « hors de question qu’elle voit [ses] enfants ». Joëlle Aubagne n’a plus jamais eu de contact avec sa fille après le mois d’août 1998. Date à laquelle Valérie Bacot, alors enceinte, est partie s’installer avec Daniel Polette, sans rien savoir du passé de son violeur.
Le passé d’un fils qui tabassait son père (qui s’est pendu dans le garage) et sa mère, d’un amant qui terrorisait ses compagnes – trois d’entre elles ont témoigné des sévices dont elles ont été victimes ; si elles ne se connaissaient pas avant le drame, aujourd’hui, elles font bloc autour de Valérie Bacot –, d’un frère qui maltraitait sa fratrie (ils étaient huit enfants) et violait l’une de ses sœurs, Monique Polette.
« J’étais devenue son esclave »
C’est une femme détruite qui s’est présentée à la barre ce mercredi après-midi. Sujette à de nombreux malaises, Monique tient à peine debout, elle est contrainte de s’asseoir. Sa sœur, Mireille, 56 ans, qui a témoigné quelques minutes plus tôt des menaces, des coups et des armes – « le regard, ce regard, son regard, on avait tous tellement peur » – est restée pour la soutenir. Ce sont elles qui ont fait part à la justice de leurs soupçons concernant le comportement de leur frère avec sa belle-fille, Valérie. C’est à la suite de cette procédure que Daniel Polette a passé un peu plus de deux ans en prison. « Deux ans seulement !, s’insurge Mireille Polette. Il aurait dû y rester bien plus longtemps et peut-être que Valérie aurait eu le temps de rencontrer un garçon et de se rendre compte que la vie, ce n’était pas ça. »
Monique Polette, 59 ans, peine à s’exprimer. Ses mots se noient dans ses sanglots. Ce qu’elle raconte du « monstre », comme l’appelle Alain, l’un de ses frères venu témoigner, est difficile à entendre. Violée chaque semaine, plusieurs fois par semaine, à partir de l’âge de 11 ans, elle est alors contrainte au silence. Une arme à la main, Daniel Polette « me disait “ça reste entre toi et moi, sinon… une balle pour toi, une balle pour la maman”, je ne voulais pas qu’il tue ma mère. J’ai essayé de dire non, il me mettait une dérouillée, c’est devenu de plus en plus violent, j’étais devenue son esclave », raconte-t-elle.
A 13 ans, elle fait sa première tentative de suicide en avalant des cachets. Sans succès. « Les armes, les cris, le sang, moi, mon souhait, c’était mourir. Je suis allée dans sa chambre, je voulais prendre une arme pour le tuer. J’aurais dû le tuer. » A bout, elle appelle les services sociaux chargés de suivre la famille après le suicide de leur père. « J’ai fini dans un foyer, tandis que lui, il est resté à la maison. Soyons fous ! » Devenue alcoolique, elle est renvoyée du foyer et atterrit dans la rue, où elle vivra des années. « C’est moi qu’on viole, c’est moi qu’on tape, et c’est moi qui suis dans la rue. Aujourd’hui encore, tellement je souffre, j’aimerais mourir. On ne m’a jamais aidée (…). La personne que je remercierais le plus au monde, c’est Valérie, elle a fait ce que j’aurais dû faire il y a longtemps. »
« J’espère que mon jugement, pour eux aussi [la famille Polette], va nous faire réussir à tourner la page, a conclu Valérie Bacot face à la présidente du tribunal. J’espère qu’on arrivera à être heureux (…). Alors on aura gagné contre lui. Mais [pour l’instant], on ne vit encore pas dans le même univers que vous tous. »https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/06/24/au-proces-de-valerie-bacot-le-deni-d-une-mere-et-le-calvaire-des-freres-et-s-urs-du-monstre-polette_6085433_3224.html
Lisetoct
Re: Féminicides
Lisetoct
Re: Féminicides
Et un de plus . Il serait temps de se pencher sur ces femmes disparues : Suzanne Blanch /Viguier et Nadine Chabert . Elles ont en commun que leur mère ait témoigné contre elles. Que leurs enfants aient témoigné contre elles. Elles ont en commun d'avoir disparu à la veille d'un RV avec un avocat pour un divorce . Toutes 2 voulaient divorcer et dans les 2 cas le mari avait à perdre.
Lisetoct
Re: Féminicides
Invité- Invité
Re: Féminicides
Re: Féminicides
Kassandra88 a écrit:
Bon débarras.
" Plusieurs sources évoquent une relation basée sur une forme de harcèlement et même un "chantage au suicide". Les proches de la victime évoquent une relation toxique: "Ils étaient proches mais elle ne voulait pas s’engager plus, confie l'une de ses meilleures amies. Durant les quelques mois de leur relation, il lui avait posté des dizaines et des dizaines de messages, à la frontière du harcèlement pour elle. Mais ce n’est que dernièrement qu’elle a commencé à s’inquiéter."
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Sortcière
Re: Féminicides
Toutes ces femmes qui meurent sous les coups de leur conjoint , ce n'est pas acceptable .
Sans parler de toutes leurs complices , sans ces femmes complices , rien ne saurait être possible.
Sans parler de toutes leurs complices , sans ces femmes complices , rien ne saurait être possible.
Lisetoct
Re: Féminicides
C'est bien pour cela qu'il faut réfléchir . Qu'on nous donne le patronyme de ce policier .
Lisetoct
Re: Féminicides
Il ne faut pas nier que dans certaines "cultures" les femmes sont vues comme "le diable".
Lisetoct
Re: Féminicides
Lisetoct a écrit:C'est bien pour cela qu'il faut réfléchir . Qu'on nous donne le patronyme de ce policier .
Ca c'est quand même collector !
Il devait par ailleurs comparaître devant un conseil de discipline et risquait d’être suspendu de ses fonctions. Ben voyons ! et 8 mois après sa condamnation c'était toujours pas fait !?
Il y en a combien comme ça qui reçoivent le public ou sont en service avec un casier judiciaire pour violences, habituelles en plus !
Le lien ne s'ouvrant pas chez moi, j'en laisse un autre
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Sortcière
Re: Féminicides
Le chanteur aurait assassiné sa femme après l’avoir droguée à la vodka-grenadine
Trois ans après la mort d’Aline Sepret, une danseuse de 35 ans tuée et brûlée à Taluyers (Rhône) en juin 2018, le juge d’instruction a retenu la préméditation à l’encontre de son conjoint, Mikaël Corcessin-Dervin, renvoyé aux assises pour assassinat. Son procès pourrait se tenir d’ici à la fin 2021.
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Trois ans après la mort d’Aline Sepret, une danseuse de 35 ans tuée et brûlée à Taluyers (Rhône) en juin 2018, le juge d’instruction a retenu la préméditation à l’encontre de son conjoint, Mikaël Corcessin-Dervin, renvoyé aux assises pour assassinat. Son procès pourrait se tenir d’ici à la fin 2021.
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Re: Féminicides
Féminicides en 2020 : près d’une victime sur cinq avait déjà porté plainte
L’étude nationale sur les morts violentes au sein du couple a recensé 125 homicides conjugaux dont 102 féminicides. Parmi ces femmes tuées, 35% avaient déjà subi des violences et 18% déjà déposé plainte.
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L’étude nationale sur les morts violentes au sein du couple a recensé 125 homicides conjugaux dont 102 féminicides. Parmi ces femmes tuées, 35% avaient déjà subi des violences et 18% déjà déposé plainte.
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